Par Léa Drouelle et Elsa Pereira

Après plusieurs mois de silence pour couver nos cahiers de vacances (vous les avez bien au chaud dans votre valise ?), la newsletter de Sorocité est de retour. Pour cette reprise estivale des activités, on a décidé de faire un petit bilan des infos qui nous ont le plus marquées ces derniers mois. Promis, il n’y a pas que des mauvaises nouvelles !
Vers une science non genrée 

Une étude de grande ampleur publiée en mai dernier a choisi d’aborder une question sous un prisme inédit : celui des traces que peuvent laisser les discriminations liées aux inégalités de genre dans le cerveau. Une approche aussi surprenante que pertinente, explorée par une équipe internationale de chercheur·euses et réalisée dans 29 pays à partir de milliers d’IRM de 4 078 femmes et 3 798 hommes âgé·es de 18 à 40 ans. Conclusion : les inégalités salariales, le manque d’accès à l’éducation ou encore les violences faites aux sexistes et sexuelles modifient la structure des cerveaux des femmes, plus précisément au niveau du cortex cérébral. Plus ces inégalités sont importantes, plus ces différences sont marquées. 

Là où cette recherche frappe fort, c’est qu’elle met en lumière une théorie (encore trop peu entendue) selon laquelle les différences entre les cerveaux des hommes et des femmes seraient d’origine sociale et non biologique. Un petit pas pour l’égalité, mais un grand pas pour la science non genrée ! Là où c’est nettement moins marrant, c’est que l’étude suggère l’existence d’un “effet potentiellement dangereux de l’inégalité entre les sexes sur le cerveau des femmes”. À surveiller de près, donc. 

La standing ovation de la honte 

Thierry Frémaux n’en avait pas entendu parler. Pas une rumeur, pas une seule vidéo sur Tiktok. Rien. Le procès le plus commenté de ces dernières années, il n’en avait pas entendu parler. Il ne savait pas… Alors, pour ouvrir la 76ᵉ édition du Festival de Cannes, il a décidé de projeter Jeanne du Barry, le nouveau film de Maïwenn, avec Johnny Depp dans le rôle de Louis XV. Dérouler le tapis rouge ne suffisait pas. Il a fallu que l’acteur se baigne dans la foule délirante, que les appareils photos crépitent et que les autographes se multiplient.

Il a fallu qu’il reçoive une standing ovation de sept minutes. Pourquoi ces sept minutes sont-elles indécentes ? Parce que Johnny Depp n’a pas été innocenté des accusations dont il faisait l’objet. Il a perdu en Angleterre son procès contre le journal qui l’avait qualifié de “wife beater” à l’encontre d’Amber Heard. Quant au procès à Fairfax aux États-Unis,il a été le théâtre d’un cyber harcèlement organisé par Depp et ses avocats d’une rare violence. Il suffit de voir l’essentiel documentaire de Cécile Delarue Affaire Johnny Depp/Amber Heard – La justice à l’épreuve des réseaux sociaux  pour comprendre à quel point Depp ne méritait pas d’être applaudi, ne méritait pas de monter ces marches. Ces sept minutes crachent au visage des victimes de violences conjugales et de cyber harcèlement. Ces sept minutes semblent avoir suffi pour qu’il se pavane au HellFest avec sa guitare, qu’il soit de retour au casting de blockbusters hollywoodiens. Amber Heard, elle, a tout perdu. 

Sexisme dans le monde : on stagne

Bon, on sait que ça risque de vous couper net dans la dégustation de votre aubergine grillée au barbeuc, mais c’est la triste réalité. En l’espace de dix ans, le sexisme n’a pas reculé d’un poil selon un rapport de l’ONU publié le lundi 12 juin. On y apprend que, dans le monde, neuf personnes sur dix ont encore à l’esprit un préjugé sexiste. Basée sur les résultats d’un vaste sondage couvrant 80 pays dans le monde, l’enquête dévoile des chiffres qui font froid dans le dos. Près de la moitié (49 %) des personnes interrogées pensent par exemple que les hommes font de meilleurs dirigeants politiques que les femmes et uniquement 27 % estiment qu’il est essentiel pour la démocratie que les femmes aient les mêmes droits que les hommes. On a gardé le pire pour la fin : une personne sur quatre juge “justifiable” le fait qu’un homme batte sa femme… 

Un constat tout autant valable dans l’Hexagone, si l’on se fie au rapport du Haut Conseil à l’Égalité sur l’état du sexisme en France, publié en janvier 2023. Non seulement, le sexisme en France n’a pas reculé, mais il aurait même gagné du terrain. Du point de vue de 20 % des hommes de 25-34 ans, ilest par exemple “parfois nécessaire d’être violent avec une femme pour se faire respecter”. Plus de cinq ans après MeToo, on peut donc parler d’un véritable backlash*
*Terme popularisé dans les années 90 par l’Américaine Susan Faludi pour désigner le “retour de bâton” qui guette les femmes et les minorités sexuelles et de genre à chaque avancée dans leur combat pour faire valoir leurs droits.
 
Une loi historique en Espagne

Heureusement, on peut quand même de temps à autre partager des bonnes nouvelles ! Cette année, c’est du côté de l’Espagne qu’il faut se tourner pour les trouver. En février, le gouvernement de Pedro Sánchez (qui compte 11 femmes et 6 hommes), a adopté une loi historique pour les droits LGBTQIA+. Sobrement appelée “loi transgenre”, elle vise à mettre fin à des pratiques telles que les thérapies de conversion. Elle permet aussi à toute personne âgée de plus de 16 ans de pouvoir changer librement de genre à l’état civil, par simple déclaration administrative. Sans passer par les tribunaux, donc, ni fournir de preuve médicale attestant d’une dysphorie de genre ou du suivi d’un traitement hormonal. Une mesure très importante pour les personnes qui n’ont pas ou prou accès à un service médical près de chez elles, ou qui ont un passing et souhaitent voyager. Cette loi n’a été adoptée que par une poignée de pays dans le monde, dont le Danemark, qui a été le premier d’Europe à l’instaurer en 2014. 
 
Vive le congé menstruel !

L’Espagne n’a pas fait parler d’elle uniquement pour sa loi transgenre en ce début d’année. Elle a aussi été sous les feux des projecteurs pour l’adoption d’une autre loi qui a fait réagir toute l’Europe : l’instauration d’un congé menstruel (bon, même si c’est tout sauf un congé). Il est vrai que le sujet fait débat au sein même des féministes : certaines l’encensent pour une prise de conscience collective autour des douleurs menstruelles et tout particulièrement de l’endométriose, tandis que d’autres craignent un effet de stigmatisation et s’interrogent sur le secret médical. Quoi qu’il en soit, l’Espagne se place, en adoptant cette mesure, en précurseuse. D’autant que le congé menstruel s’inscrit dans un projet de loi bien plus large, qui vise notamment à renforcer l’accès à l’avortement dans les hôpitaux publics. L’engagement pour les droits des femmes en Espagne se confirme depuis plusieurs décennies. Au début des années 2000, le pays de Pedro Almodóvar se distinguait déjà par une série de lois ambitieuses pour combattre le fléau des violences sexistes et sexuelles, notamment sur le plan juridique. 
Publié par :sorocité

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