S’il y a une saison propice à la lecture, c’est assurément l’été. On feuillette des magazines, fesses enfoncées dans le sable, on dévore des romans confortablement installé·e·s dans un hamac, on s’enfile des bandes dessinées les pieds dans l’eau…Pour vous accompagner dans vos lectures estivales, l’équipe de Sorocité vous a concocté une liste de ses bouquins préférés : essais, romans, BD féministes… Mais attention, nous n’oublions pas celles et ceux qui continueront à affronter les transports en commun aux heures de pointe en juillet et en août… et qui auront donc aussi quelques titres à se mettre sous la dent. Bonne lecture !
Le choix de Marguerite
Mon histoire des femmes : un classique à offrir

Vous avez peut-être un Olympe de Gouges ou un Mona Chollet dans votre bibliothèque féministe. Mais avez-vous un livre de l’historienne Michelle Perrot ? Les luttes d’aujourd’hui sonneraient creux sans la caisse de résonance qu’est la connaissance de l’Histoire. L’ouvrage de Michelle Perrot fait donc partie des portes d’entrée du féminisme, au même titre que King Kong Théorie de Virginie Despentes.
Figure incontournable de l’histoire des femmes, chacun des livres de Michelle Perrot témoigne d’une grande pédagogie. Pour cet été, je vous conseille son ouvrage Mon histoire des femmes (2006), qui démontre la manière dont le patriarcat s’immisce dans chaque recoin de nos vies, de notre patrimoine et de notre matrimoine.
En 200 pages, l’historienne aborde la question de la déconstruction de A à Z, qu’il s’agisse du travail, de la fabrication du récit, du corps, de la vie domestique ou de la place des femmes dans la cité. Des femmes représentées à travers un regard masculin, à qui l’on refuse le droit à la parole et l’accès au savoir. Jugées « peu utiles« , leur archives disparaissent de notre mémoire collective.
Mon histoire des femmes regorge d’idées claires et didactiques. Issu d’une série d’émissions réalisées pour France Culture, ce livre hautement émancipateur est, en plus du parfait compagnon de plage, un super cadeau à offrir.
Mon histoire des femmes, Éditions Points, 2018 (format poche).

Le choix de Charlotte
Libres ! Manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels : le sexe sans complexes

Si, en matière de représentation de notre sexualité, nous devions nous contenter de ce que les magazines féminins, les pubs ou le porno mainstream nous servent sur un plateau depuis des décennies, autant dire que l’on serait bien mal loti·e·s. Hétéronormée, pratiquée par des femmes à la peau sans poil, ni cellulite et centrée sur la notion de performance, la sexualité marketée n’a qu’un seul but : exciter les hommes.
C’est pour casser ces injonctions, forcément aliénantes, qu’Ovidie et Diglee ont écrit ensemble en 2017 Libres ! Manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels. En une quinzaine de chapitres, la réalisatrice et l’illustratrice opèrent une déconstruction salvatrice des normes sexuelles qui nous empêchent bien souvent de nous émanciper sous la couette. Et donnent une nouvelle vision du sexe, plus inclusive, en abordant les thèmes du polyamour, du sexe pendant les règles, de l’éjaculation féminine, de la sodomie ou encore du mythe de la « chatte parfaite« .
Bienveillante, informée et décomplexée, la plume d’Ovidie est complétée par les superbes illustrations de Diglee, qui donnent (enfin !) à voir des corps gros, noirs, poilus, maigres, à petits seins ou à poitrine opulente… Bref, des corps de « vraies meufs« , dans toute leur pluralité.
Un ouvrage illustré à lire pour soi et à prêter à ses partenaires, pour enfin briser les tabous autour de la sexualité et dégommer les schémas de domination masculine qui entravent notre plaisir. Et surtout, pour faire la paix avec notre propre corps.
Libres ! Manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels, d’Ovidie et Diglee, Éditions Delcourt, collection Tapas, 2017.
Le choix de Léa
La Véritable histoire de Rosie La Riveteuse : itinéraire d’une femme au poing levé

Foulard rouge à pois blancs noué autour des cheveux, blouse bleue, manches retroussées, biceps gonflé et poing levé bien haut… Vous l’avez forcément aperçue sur une affiche, en couverture d’un magazine ou sur un tee-shirt. Et pour cause : celle que l’on surnomme « Rosie la riveteuse » est devenue l’une des icônes féministes les plus célèbres au monde.
Mais d’où vient cette fameuse « Rosie », incarnation de toute une génération d’ouvrières américaines qui ont repris le contrôle des usines en 1942 alors que les hommes se battaient au front ?
Écrit par deux journalistes de Libération Catherine Mallaval et Mathieu Nocent, l’ouvrage nous embarque dans le récit rocambolesque d’une image de la culture pop âgée de plus de 70 ans, mais que les plus de 30 ans sont nombreux·euse·s à ne pas connaître.
Qui aurait cru qu’autant d’anecdotes pouvaient se cacher derrière une icône qui fut d’abord un outil de propagande patronale avant de devenir un puissant symbole de l’émancipation des femmes ?
Ce livre de 80 pages, riche en informations et en rebondissements, se dévore en un après-midi sur la plage, entre le beignet de 16h et la baignade de 18h.
La véritable histoire de Rosie La Riveteuse, Itinéraire féministe, de Catherine Mallaval et Mathieu Nocent, Éditions Flammarion, 2019.
Le choix d’Elsa
Complot : un thriller féministe haletant

Si la littérature féministe regorge d’essais plus brillants les uns que les autres (Manon Garcia, Roxane Gay, Mona Chollet pour ne citer qu’elles), nos cerveaux fumants méritent parfois une petite pause divertissante. Chez le·a libraire, on cherche tou·te·s ce roman qui nous happera dès l’incipit et qu’on ne lâchera que plusieurs heures plus tard.
Le roman Complot, de Nicolas Beuglet, fait assurément partie de cette catégorie de bouquin. Le genre de livre qu’on a un mal fou à reposer une fois qu’on l’a commencé. Ce thriller au récit intelligent et rythmé de 400 pages prend place dans le décor glacial de la Norvège.
À ce stade, vous vous demandez sûrement pourquoi la rédaction de Sorocité vous conseille de courir vous acheter un roman policier et, de surcroît, écrit par un mec ? La réponse est dans l’intrigue : la dévoiler vous ruinerait sans nul doute le plaisir. Alors comment vous inciter à lire sans trop en dire ?
Sachez d’abord que le personnage principal, en charge de l’affaire, est une inspectrice. Elle est féroce, sur-entraînée et brillante. Mais Sarah Geringën n’est pas le seul élément féministe de ce roman…
Complot, de Nicolas Beuglet, Xo Éditions, 2018.

Le choix d’Héloïse
La Rose la plus rouge s’épanouit de Liv Strömquist : peut-on encore tomber amoureux en 2020 ?

Dernier opus de Liv Strömquist, La Rose la plus rouge s’épanouit s’intéresse à la confrontation entre l’idéal de l’amour romantique et notre culture d’émancipation narcissique. Que vous soyez « in love » ou non, cette BD vous questionnera sur votre rapport à l’amour et votre consommation des relations, à l’ère du capitalisme tardif.
Si l’autrice n’en est pas à son premier coup d’essai (toutes ses autres BD sont de petits bijoux d’humour acéré), elle s’attaque cette fois au mythe de l’amour à travers des références aussi décalées que pertinentes, à la croisée de la philosophie et de la sociologie.
Un peu trop costaud pour un livre de plage ? Rassurez-vous : l’humour acerbe et le trait léger qui caractérisent Liv Strömquist, autrice de bandes dessinées, journaliste de télévision et animatrice de radio suédoise, vous garantissent une séance de lecture à la fois didactique et décontractée.
Si, comme moi, vous êtes conquise par l’immense talent de Liv Strömquist, alors je ne peux que vous conseiller de commencer par le commencement : sa bande dessinée L’origine du monde. Puis de lire toutes les suivantes. En France, elles sont disponibles aux éditions Le Signe Noir de Rackham.
La Rose la plus rouge s’épanouit, de Liv Strömquist, traduit du suédois par Kirsi Kinnunen, Editions Rackham, 2019.