C’est sur Instagram qu’Amélie a décidé de se dévoiler. Parler ouvertement en images et en mots de son alopécie. Une perte de cheveux qui la suit depuis son enfance. En quelques posts, la jeune femme a transformé ses complexes en forces. Portrait d’une jeune femme libre.
“Laissez-moi vous embarquer dans le monde merveilleux de la perte de cheveux.” Nous sommes le 22 décembre 2019 lorsque Amélie, 27 ans, poste sa première photo sur son compte Instagram, baptisé Hellopecia. Elle y fait la promesse d’un récit personnel sur une maladie dont ne parle que dans le secret des cabinets de dermatologie : l’alopécie. Des maladies auto-immunes, celle-ci a la particularité de toucher à l’image que l’on se fait de la féminité. Exit la chevelure de sirène et les cascades de boucles. Les personnes qui souffrent d’alopécie universelle (une perte complète des cheveux et des poils) ou de pelade (une perte de cheveux par plaques) comme Amélie, doivent composer avec le regard des autres, les préjugés et le manque de confiance en soi. “Le but de ce projet est de porter un regard intimiste et inédit sur un tabou féminin afin de libérer la parole. À commencer par ma parole, celle d’une jeune femme qui a une pelade depuis des années, qui a grandi avec et qui aimerait offrir des représentations diverses et positives pour celles et ceux qui vivent avec peu ou pas de cheveux”, explique la jeune femme. |

Cacher pour faire illusion La jeune Tourangelle, aujourd’hui autrice et traductrice, a commencé à travailler sur ce projet dans le cadre de son master à la Sorbonne. “Il y avait plein de sujets qui m’intéressaient mais à ce moment-là, la chute de cheveux s’est imposée à moi. C’est quelque chose que je vivais depuis longtemps et sur lequel j’étais discrète. Je commençais à peine à me rendre compte que je n’étais pas la seule touchée et qu’il y avait un véritable tabou sur les femmes qui perdent leurs cheveux.” |
« J’essaye d’être plus douce avec moi-même et d’accepter ces parties de moi qui diffèrent de ces fameuses normes.«
Une fois l’idée ancrée en elle, Amélie met du temps avant de vouloir associer son travail documentaire à sa propre histoire d’autant que ni ses camarades de classe, ni ses professeurs ne se doutent de sa maladie. “J’ai caché ma perte de cheveux pendant toute mon adolescence et jusqu’à il y a très peu de temps. Avant, j’avais suffisamment de cheveux pour que cela ne se voit pas beaucoup, mais il y a deux ans, j’ai commencé à avoir des plaques sur le dessus de la tête. Je suis donc passée à une solution esthétique en portant ce que l’on appelle un volumateur, c’est un système de perruque, mais qui n’englobe pas toute la tête. Depuis septembre, la chute de cheveux évoluant sur le devant du crâne, j’ai arrêté de le porter. Je suis passée à des accessoires type bandeau ou turban. Ça fait illusion.”
Pendant longtemps, observant l’inefficacité des traitements qui lui sont proposés par les dermatologues, la jeune femme use de subterfuges pour masquer sa pelade. Au Québec, où Amélie part pendant ses études, elle teste un nouveau traitement à base d’injections avant de tout arrêter pour laisser ses cheveux “vivre leur vie”. “Cette période, ce fut beaucoup de temps à essayer de cacher ma pelade. À m’empêcher certaines choses, par peur que ça se voie. À être dans le contrôle de tout, tout le temps”, raconte-t-elle sur son compte Instagram Hellopecia.
Après des années à cacher sa pelade, Amélie ose finalement publier des photos d’elle crâne découvert, sans foulard, sans bandeau et sans prothèse. Ses petites plaques de cheveux exposées au regard de tou·te·s. “Depuis peu, j’essaye d’être plus douce avec moi-même et d’accepter ces parties de moi qui diffèrent de ces fameuses normes. De les aimer même. C’est pas tous les jours facile, mais parfois, ça fonctionne.”
« J’avais envie d’avoir une approche plus esthétique, me dire que ces plaques sans cheveux, ces trous que j’ai eu tant de mal à accepter, ça peut être beau.«
Normes et injonctions Les normes dont Amélie parle sont au coeur de son projet. Car si des mouvements comme le body-positive plébiscitent la pluralité des corps, la question de la chevelure y est souvent ignorée. Où sont les femmes au crâne dégarni dans les médias et dans la publicité ? « Pour la société, la perte de cheveux est associée à la mort, au cancer. Quand on croise un homme chauve dans la rue, on ne se demande pas s’il a un cancer, alors que pour une femme, c’est la pensée par défaut. Pour elles, pour nous, il n’y a pas d’entre-deux. Chez la femme, le cheveu est signe de bonne santé, c’est un gage de féminité.” Pire, à en croire la poésie française, la chevelure serait un symbole sacré de féminité, et pour les femmes un outil de séduction. |
“Ces cheveux, ces liens, dont mon cœur tu enlaces Grêles, primes, subtils, qui coulent aux talons Entre noirs et châtains, bruns, déliés et longs Tels que Vénus les porte, et ces trois belles Grâces” Ronsard, Sonnets pour Hélène (1578). |
Quant à Baudelaire, il signe dans Les Fleurs du mal (1857) un long poème en alexandrins entièrement dédié à la chevelure : “Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde.” Celles qui se rasent la tête, qui ont des cheveux clairsemés, qui souffrent de pelade, ne répondent de fait plus à ces canons de beauté. Pour s’en échapper, Amélie prône deux choses : l’acceptation de soi et la visibilisation de femmes avec peu ou sans cheveux. “Quand j’étais plus jeune et que je cherchais des représentations, je ne trouvais que des photos médicales. C’était trop proche de ce que je vivais. J’avais envie d’avoir une approche plus esthétique, me dire que ces plaques sans cheveux, ces trous que j’ai eu tant de mal à accepter, ça peut être beau.” Les portraits qu’elle poste d’elle ou d’autres femmes (Jackie Nguyen, Amber Jean Rowan, Coco Labé, Ayanna Presley…) questionnent notre définition de ce qui est beau. Mais pas question pour Amélie de faire de ce selflove une injonction supplémentaire. Chacun·e peut prendre le temps d’apprivoiser ses plaques, de se trouver beau·belle ou non, d’accepter sa pelade ou pas. “Plus que de l’acceptation, j’aime l’idée de bienveillance. Être bienveillant·e avec ce qu’on aime et ce qu’on aime pas chez soi. Et bienveillant·e avec le fait qu’on ne l’est pas toujours.” Sur Hellopecia, Amélie partage son histoire, construit sa pensée et partage le récit d’autres femmes. Elle ouvre grand une fenêtre de dialogue. |
Eh bien je me pose la question, malgré ce bel article plein d’intelligence du coeur et de sincérité, si on peut vraiment accepter cette « perte » de soi… je me souviendrai toujours de ce qu’un jour un ami de mon frère, dont j’étais l’ainée de 9 ans, m’a dit : « si tu avais plus de cheveux tu serais canon » , il avait 20 ans… et nous étions très proches. Quelle peine pour moi 😪 maintenant à 64 ans, je ne l’accepte que difficilement d’autant plus que mes cheveux sont devenus « mousseux », car plus que fins et très clairsemés ; cheveux que je coupe sans arrêt car je me sens très moche… j’ai subi un grand stress depuis 3 ans et ils sont beaucoup tombés mais il faut savoir que j’ai commencé à les perdre vers mes 18 ans, à la suite d’une décoloration par oxygénée à 20 ou 30% et personne ne m’a aidée à l’époque : la dermato a fini par me dire qu’elle ne pouvait plus rien pour moi… et j’ai fait une dépression. On ne se remet jamais de cette « injustice », je pense. Avoir beaucoup de courage est nécessaire pour avancer… j’envoie plein de lumière et d’amour à toutes les femmes et les hommes sans cheveux💟💟💟
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