Dans le spectre du genre, une personne non-binaire est une personne dont le genre n’est ni exclusivement homme, ni exclusivement femme. Avec leurs mots et leur sensibilité, Ash, Sonia ou encore Eric ont raconté à Sorocité comment ils ont évoqué leur non-binarité auprès de leurs proches.

Ash, 20 ans

Comme tous “coming out”, il s’agit surtout d’un processus qui commence le jour ou l’on comprend, et qui ne se termine jamais vraiment. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un mot que l’on peut utiliser au singulier. À chaque fois que l’on rencontre une nouvelle personne, que l’on commence un nouveau travail ou de nouvelles études, il faut de nouveau faire son “coming out”. Et c’est quelque chose de fatigant et de stressant. Car on ne sait jamais vraiment comment les autres peuvent réagir, et les personnes trans et non-binaires sont très régulièrement victimes de discriminations, que ce soit dans le milieu professionnel ou dans leur vie privée.

J’ai compris qui j’étais en passant par l’anglais et le milieu queer anglophone. J’aime dire que j’ai grandi sur internet. Et puis j’ai fait une licence d’anglais et un programme d’échange d’un an aux Etats-Unis. Cette année a tout changé. J’ai intégré l’association LGBTQ+ de l’université. J’y ai rencontré beaucoup de personnes trans et non-binaires fantastiques. Puis la langue étant beaucoup plus neutre, j’ai d’abord construit mon identité de genre avec des termes anglophones. Queer, genderqueer, nonbinary… Les premiers pronoms que j’ai reconnu étaient they/them. Et je n’ai toujours pas trouvé d’équivalent qui me plaise vraiment en français. J’ai ensuite choisi le prénom “Ash” qui est neutre. Mon rapport à la langue anglaise est très important pour moi, et j’ai toujours du mal à parler de ma non-binarité en français (bien qu’il s’agisse de ma langue natale). Déjà car j’ai du mal à y trouver mes mots mais aussi car j’ai l’impression que les francophones ont plus de mal à comprendre.

La langue que nous parlons influence notre vision du monde. Le français est très genré. Donc comment concevoir, comment parler de personnes non-binaires si la langue que l’on utilise ne reconnaît presque aucune neutralité ? Même si j’utilise le pronom “iel” en francais, j’accepte aussi “il/elle” car c’est plus facile pour les autres.

Aujourd’hui, presque tout mon entourage est au courant. J’en ai récemment parlé à ma mère, qui était ouverte et réceptive. Bien qu’elle ait du mal à utiliser mon nouveau prénom. En ce qui concerne mes ami·e·s, tout le monde le sait, mais cela ne veut pas dire que tout le monde comprend. J’ai vite réalisé — en tout cas pour moi — que le plus dur n’est pas de vivre avec qui l’on est, mais de vivre avec les autres. J’entends par là que je suis aujourd’hui très à l’aise avec mon identité, je ne la remets plus en question depuis fort longtemps. Par contre, j’ai encore du mal à trouver mes marques dans la façon dont je l’exprime et la façon dont le monde la perçoit. Je me souviens vivement d’une soirée passée avec des ami·e·s. Tout allait bien jusqu’à ce que quelqu’un, une amie, se réfère à moi en utilisant le genre qui m’avait été assigné à la naissance. Une douche froide. S’en est suivie une crise de panique.

J’ai rapidement fuit la scène prétendant être fatigué·e. Je me suis effondré·e une fois rentré·e chez moi, l’esprit emplit de pensées plus horribles les unes que les autres. Je ne sais pas trop pourquoi j’ai réagi si viscéralement, mais cet exemple illustre bien le fait qu’on a beau sortir du placard, cela ne veut pas dire que l’on est compris·e. Je ne pense pas du tout que cette personne voulait être blessante. Mais je me suis d’un seul coup senti violemment renvoyé·e à mon corps et à la façon dont les autres le perçoivent. Je pense qu’il n’est pas possible d’imaginer un monde plus compréhensif et acceptant des personnes non-binaires sans avant déconstruire les stéréotypes de genre instaurés par le patriarcat. Mais je ne peux pas déconstruire chaque personne que je rencontre, ce n’est pas possible. Et comme beaucoup d’autres personnes trans et non-binaire, j’ai du mal à confronter les gens, même mes proches, sur mes pronoms ou leur langage blessant.

Eric, 55 ans

La non binarité, pour moi, c’est l’expression d’une désolidarisation sans réserve de cette construction depuis des siècles de cet homme patriarcal dont je ne veux plus être le représentant.

J’ai grandi en rejetant le masculin qui est pour moi synonyme de violence, mais j’ai longtemps vécu comme un homme cisgenre hétérosexuel sans me poser la question d’en sortir. Cette réflexion remonte à il y a un an pour moi et j’évolue en me cherchant encore. 
 
Extérieurement, j’ai tout d’un homme. De cet homme fort et rassurant. Intérieurement, je me sens de plus en plus comme une femme. Chaque fois que je lis un livre, un tweet, un témoignage d’une femme féministe qui dénonce, je ressens cette même colère, ce même sentiment d’impuissance, et cela provoque un coup de poignard de plus dans mon cœur… cela continuer à tuer l’homme en moi.
 
Je ne me sens pas femme dans le besoin de devenir trans. Je ne me sens pas femme dans mon corps. Mais je ne me reconnais plus en tant qu’homme dans le sens où je ne peux pas m’identifier à ce besoin de compétition, de puissance, de violence…
 
Pour moi, la non-binarité est l’expression d’une désolidarisation sans réserve vis-à-vis de la construction sociétale de la figure de l’homme patriarcal dont je ne veux plus être le représentant. 


Sonia, 20 ans

J’ai eu comme des « signes » dans mon enfance qui me montraient que je n’avais jamais été simplement une femme.

Mon coming out s’est fait en plusieurs temps. Comme j’ai eu du temps pour réfléchir pendant le confinement, je me suis posé des questions sur mon passé. J’ai eu comme des « signes » dans mon enfance qui me montraient que je n’avais jamais été simplement une femme. Par exemple, quand ma mère voulait absolument que je sois « féminine » ou encore à l’école primaire, quand on faisait des jeux de rôle avec les autres enfants. Moi, je jouais tous les rôles. J’ai fini par faire mon coming out non-binaire à mon amoureux avec qui, il n’y a eu aucun soucis. Il a juste eu un peu de mal au début à s’habituer aux pronoms mais ça s’est fait assez vite. J’ai également fait mon coming out auprès de mon grand frère qui l’a également très bien pris. Je redoute celui que je vais devoir faire avec mes parents.

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Publié par :sorocité

Un commentaire sur “Soro-cité·e·s : Non-binaire, comment j’ai vécu mon coming out

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